vendredi, novembre 04, 2016

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Paris, le jeudi 3 novembre 2016


Objet : Une preuve incidente


Michel SAPIN
Ministre de l’Economie et des Finances


En copie à :
Président de la République
Premier Ministre
Ministre de la justice
Ministre de la Santé




Monsieur le Ministre,

La réponse aux manœuvres de ceux qui cherchent à provoquer une débandade propice à leurs coups de force juridiques, de droite comme de gauche, est de continuer de proposer et d’innover.

Il n’y a pas de mal à se rendre populaire.

1)- Le questionnement
A plusieurs reprises, j’ai attiré respectueusement votre attention sur les impasses inévitables de l’indemnisation capitalistique fondée exclusivement sur la distribution d’un Trésor, public ou privé ; autrement dit la spoliation de la partie reconnue responsable du dol, ou de son dédommagement, par la justice.

J’ai notamment affirmé que l’indemnisation prédatrice auprès des entreprises entrainait mécaniquement :
a- Des manipulations procédurières de retardement des procédures d’indemnisation ;
b- Le refus des magistrats et de l’Etat de mettre à mal les finances des entreprises et du Trésor public ;
c- Des politiques de fuites, d’évitement, des entreprises et de l’Etat à l’égard d’une telle nuisance.

La confusion inextricable de la condamnation pénale et de l’indemnisation Trésorière obère le travail de la justice, lèse les victimes, grève indument les budgets d’entreprises et le Trésor public.

2)- Une information
Or, ce dimanche 30 octobre 2016, un documentaire sur l’affaire dite « les boues rouges de Montedison », apporte un élément qui confirme cette intuition logique.

Maitre Christian Huglo, du Cabinet Huglo-Lepage-Associés-Conseil, intervient, en 2016, dans ce documentaire.

Il a été en 1972 partie civile dans le procès des Boues Rouges de la Montedison.

Dans cette affaire, il a permis une indemnisation conséquente des parties civiles en attaquant la firme au pénal. Sa condamnation a assuré la prédation financière de l’entreprise au bénéfice des victimes.

En 2016, se félicitant d’avoir obtenu des Dommages et intérêts, il déclare : « Il faut se rappeler que dans l’affaire Erika, l’Etat a refusé de demander des dommages et intérêts à Total alors qu’il en avait le droit ».

L’Etat n’a été dédommagé que de ses avances de frais.

L’Etat a non seulement renoncé à une telle demande mais, le 24 mai 2012, par le truchement des Conclusions déposées par le procureur général près la Cour de Cassation, il s’est engagé dans une confrontation brutale avec les parties civiles pour éviter toute condamnation de Total.
Selon lui :
a- toute la procédure judiciaire liée à l'Erika doit être annulée ;
b- La justice française ne serait pas compétente ;
c- l'Erika, qui battait pavillon maltais, a coulé hors des eaux territoriales.

Mme Joly, magistrate et à ce moment là candidate à l’élection présidentielle, dira « qu'il y a une complicité entre l'Etat et Total »

En contradiction avec le Procureur général, la Cour de Cassation avalise l’Arrêt de la Cour d’Appel qui établit la responsabilité de Total.

En échange, elle condamne Total à indemniser au minimum. Ce que Mme Joly appelle « des cacahuètes ».

Les juristes spécialisés dans la défense de l’environnement ne veulent retenir que l’émergence d’un « préjudice écologique ».

3)- L’exception américaine

Cette affaire de l’Erika est exemplaire de l’imbrication des responsabilités pénales et des indemnisations.

Ce dilemme entre la justice pénale et la continuité des entreprises concerne le monde entier.

La puissance mondiale tutélaire des Etats-Unis leur permet de 
1- pratiquer une politique de spoliation à l’égard de leurs entreprises.
En effet, ils sont certains que la remplaçante en cas de faillite provoquée par l’indemnisation sera une recomposition des capitaux américains contenus dans la première.
Ainsi, pour la pollution du Golf du Mexique, BP a pu sortir environ 40 milliards de dollars pour indemnisations diverses ; soit, 5 fois les revenus annuels de BP.

2- Se dégager de toute responsabilité à l’égard des populations et Etats faibles.
Ainsi, dans l’accident chimique de Bhopal, l’Union Carbide a été condamnée à verser 500 millions de dollars de dommages et intérêts.
Ce chiffre à mettre en parallèle aux 7,8 milliards versés aux seuls particuliers américains par BP pour une marée noire qui n’a fait aucune victime plaignante américaine.

3- D’utiliser la confusion du pénal et de l’indemnisation comme instrument de domination :
a- La justice américaine manipule à la perfection les équivoques de la jonction de la faute pénale et de la prédation indemnitaire.
b- Elle s’en sert outrageusement comme un instrument de piraterie du capitalisme américain envers le capitalisme européen.
c- Les plus grandes compagnies industrielles et bancaires européennes en ont fait les frais.

La justice française et au-delà européenne étant sur le même principe d’une indemnisation Trésorière ou prédatrice, les européens n’ont rien à dire lorsqu’une puissance plus importante les spolie outrageusement.

L’exclusivité de l’indemnisation trésorière asservie la France et l’Europe à la maitrise sans partage de l’indemnisation spoliatrice par les Etats-Unis.

4)- Une preuve
La réflexion sur l’affaire de l’Erika montre au contraire qu’une autre approche de l’indemnisation capitalistique est possible.

Il faut pour comprendre les possibilités nouvelles offertes par la démarche de l’Etat, financière et judicaire, refuser la logique de confrontation incluse dans la formule de Mme Joly lorsqu’elle évoque « la complicité entre l’Etat et Total ».

L’indemnisation ne peut plus être vue sous l’angle du règlement de compte, de la spoliation, de la subordination de la justice aux volontés vengeresses des victimes.

L’Etat renonce aux dommages et intérêts, voire aux poursuites, pour ne pas pénaliser une multinationale française stratégique.

Si Total est en danger ou s’expatrie, la France n’a pas de capitaux pétroliers de remplacement.
C’est une preuve publique que l’Etat ne peut utiliser l’indemnisation Trésorière comme une règle intangible.

Pour la contourner, il n’indemnise pas. La justice ne fait pas autre chose ainsi que les entreprises.

La « complicité entre l’Etat et Total » qu’évoque Mme Joly ne fait donc pas partie du problème mais de la solution.

A partir du moment où cette « complicité » est conçue comme une catégorie positive, il devient possible de comprendre les mécanismes par lesquels cette « complicité » n’est plus un obstacle à l’indemnisation.

Les français sont disponibles pour une réflexion expérimentale à ce sujet débouchant sur des dispositions pratiques autres que des bavardages et des promesses.

Ils seront reconnaissants au gouvernement de prendre des mesures telles que ses successeurs ne pourront éviter de les continuer. C’est en effet une entreprise de long terme qui se mettra en place.

L’engrenage peut se mettre en place en trois ou quatre mois.

En vous remerciant pour votre attention et dans l’attente de vous lire,

Je vous prie d’agréer, M. le Ministre, l’assurance de mes salutations distinguées,


Marc SALOMONE


PS : Au fil de l’actualité

Le Canard Enchainé, le mercredi 2 novembre 2016, p. 3, dans l’article « Canal plus contre BeIN Sports »

« Les dirigeants de la Ligue de football professionnel.. » étudient « le dépôt d’une plainte…Hollande bénéficiant de l’immunité présidentielle, seules deux pistes s’offrent à la Ligue.
La première : des poursuites en responsabilité pour « faute » contre l’Etat, devant la justice administrative, avec une copieuse demande d’indemnités.
Le second angle d’attaque est plus banal : une saisine de l’Autorité de la concurrence pour délit d’entente ».

Les français vont-ils accepter indéfiniment que leur gouvernement livre le Trésor public à un pillage organisé sous l’autorité de la justice au motif de créances socialement injustifiables ?










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