mardi, août 23, 2016

23.08.16, indemnisation 2



madic50.blogspot.com
Paris, le mardi 23 août 2016


Michel SAPIN
Ministre des Finances et des Comptes publics

Emmanuel MACRON
Ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique


Pour information à :

Président de la République
Premier Ministre
Ministre de la justice
Présidents du Parlement
Présidents des groupes parlementaires

Président de la Cour des Comptes

Simonnot, journaliste




M. le Ministre des Finances,
M. le Ministre de l’Economie,

J’ai l’honneur de revenir vers vous au sujet de « l’indemnisation ».

C’est une question d’intérêt général dont la presse nous apprend régulièrement, en accord avec notre expérience, que son fonctionnement ne correspond ni aux attentes des bénéficiaires, ni à l’équilibre budgétaire des collectivités publiques, ni à la solvabilité des entreprises, ni à la bonne réputation de la justice.

Je pense respectueusement apporter une réflexion utile et des solutions simples et efficaces sur le sujet.

La référence de cette réflexion est Le Canard Enchainé du mercredi 17 août 2016, p.3, article « Pour l’Etat, la Dépakine est aussi un puissant anesthésique ».

1)- L’état des lieux :
1- 10 000 femmes enceintes, minimum, ont pris de la Dépakine, laquelle est responsable de malformations des fœtus.

2- sont en scène :
a- Sanofi qui fabrique et vend le produit.
6ème labo mondial, 110 000 salariés, 28 000 en France.
Finance les recherches de nombreux scientifiques et universitaires.
La Dépakine est 450M d’euros, soit 1% du chiffre d’affaire.
Obstruction judiciaire systématique. Les procédures peuvent ainsi durer des années.

b- L’agence du médicament et de la Caisse d’assurance maladie.
A publié un rapport établissant que des milliers de femmes ont été soignées à la Dépakine de 2007 à 2014.

c- L’Etat
- Réaction tardive, après-coup.
- Crainte de Sanofi
- Retard d’indications de mise en garde.
- Personne n’a demandé à Sanofi de prendre ses responsabilités, comme Servier dans le Médiator, en contribuant à l’indemnisation des victimes.
- Projet de fonds d’indemnisation se substituant aux entreprises auprès des victimes.

d- L’Apesac défend les victimes.
- Défend plus de 1500 familles
- Informée par l’article du Canard enchainé.

e- Justice
Obstruée.






2)- L’obligation de réparation.

Le propos public convenu est de flatter notre souci chrétien de la conscience de la faute et de sa réparation.

Il entreprend donc de clouer au pilori l’entreprise et le service de l’Etat concernés en mettant en valeur leurs fautes présumées et l’obligation qui serait la leur d’en payer les conséquences.

L’indemnisation est donc une obligation publique et politique.

3)- L’illusion borgne
Ces imprécations incantatoires en guise de justice immanente masquent la vision borgne de la réalité sur laquelle repose le débat public en France, à ce sujet.

Sanofi doit payer. Certes, mais selon quels principes et quelles modalités ?

Par quelle illusion peut on demander comme allant de soi aux entreprises, multinationales qui plus est, de payer plus que les collectivités publiques françaises ; c'est-à-dire rien, pas grand-chose, le moins possible ?

a- Un homme fait quinze ans de prison à tord. Les avocats demandent 1,2millions d’euros. La justice lui accorde 750 000 euros. Et c’est un exploit !
b- Un homme fait six mois de prison à tord, par erreur. Il est entré cadre d’entreprise. Il ressort en bénéficiant de la Cotorep. Et les connaisseurs savent qu’elle n’est pas donnée sans raison. 80 000 euros.

Dans la plupart des litiges des citoyens avec la puissance publique, le champ en est immense et varié, l’enlisement des procédures, les classements sans suites, les non-lieux, les refus d’examiner, conduisent à la sortie du justiciable du circuit judiciaire sans avoir rien obtenu voire même en ayant tout perdu.

Au nom de quoi les entreprises privées auraient elles, en France, une autre conception de la réparation ? 

4)- Le « possible démocratique » américain
La jurisprudence américaine donne à voir ce que j’appellerais un « possible démocratique ».

A- Des faits
a- En 2016, Un « noir » tué dans une cage d’escalier HLM peut recevoir, à titre posthume, pour sa veuve, de 4,5 millions de dollars: 4,1 millions de la ville de New York, 400 000 de l'office HLM, et 25 000 du policier.
b- En 2010, un ouvrier se fait violer par son contremaitre, ce qui est courant. L’entreprise paie 5 millions de dollars d’indemnité. 
c- En 2014, un New-Yorkais qui a passé seize ans en prison pour un meurtre qu'il n'avait pas commis, a obtenu 10 millions de dollars (7,5 millions d'euros) de compensation par la ville de New York.
En comparaison, dans un cas de figure identique, un français touche 750 000euros, soit dix fois moins.
d- 2014, cinq hommes, 25 ans de prison injustifiées : 1 millions de dollars (750 000 euros)  par année de prison. Soit 25 millions de dollars chacun. Soit 125 millions de dollars à décaisser pour les pouvoirs publics.
e- 2014, 23 ans de prison injustifiés : 6,4 millions de dollars (4,8 millions d'euros)

B- La démocratie possible
Ainsi, l’une des magistratures les plus fonctionnelles, les plus ancrées dans la réalité sociale et économique d’un pays, donne à voir une jurisprudence contradictoire.

1- La violence inouïe de l’injustice et de la toute puissance de ce système.
Il en est peut être ainsi quand le droit se substitue à la politique et les juristes aux assemblées élues.

2- L’établissement par cette même justice et par la société civile qui l’accompagne, car les indemnités sont des négociations juridico-civiles, d’une jurisprudence démocratique. Qu’elle soit ponctuelle n’y change rien.

3- En effet, c’est pour des personnes complètement dépouillées de tout capital et de toute importance sociale par plusieurs décennies d’emprisonnement que les magistrats, et leurs correspondants civils, telles que les Mairies, érigent l’indemnisation en constitution de capital.

4- Par le décaissement de ces sommes qui ne sont plus de l’indemnité mais la constitution d’un capital, les magistrats, judiciaires et civils, déclarent que la décision d’indemnisation :
a- n’est pas nécessairement là pour justifier après-coup le déploiement de la toute puissance de l’Etat ou des « puissants » ;
b- peut aussi reconnaitre les administrés lésés comme des puissances juridiques et morales égales à celles de l’Etat et des notables.

5- Ceci se marque par l’installation des indemnisés, même à titre posthume, dans les classes dirigeantes par l’octroi d’un capital dont les bénéficiaires peuvent vivre ; ce qui est le propre d’un vrai capital.

6- Il faut remarquer que cette distribution de capital par un décaissement franc de fonds publics, si elle est démocratique, n’est possible que parceque les Etats-Unis peuvent s’endetter indéfiniment. C’est le monde qui paie. L’argent est indéfiniment disponible.

C- L’entre soi
Sur ce point précis de l’indemnisation, l’Etat français reste en retrait de cette jurisprudence.

1- Les pouvoirs publics
La puissance publique française pense qu’un homme qui a été indûment détruit par la prison n’a droit qu’à une somme symbolique pour le faire taire.

2- Les entreprises privées
Il n’y a aucune raison pour qu’en France une entreprise pense que le quidam qui a été intoxiqué par ses produits a droit à une autre indemnité que celle qui lui permet de changer le poste de télévision qui accompagne son état grabataire ; va pour l’octroi de la télécommande.

5)- Le Trésor et le Capital
Nous parlons ici de la seule indemnisation.

Cette question est distincte :
a- des questions proprement judicaires voire pénales ;
b- de la solidarité nationale permanente et irremplaçable en matière médicale qu’organisent la Sécurité sociale et ses dépendances.

Nous voyons bien qu’en France comme aux Etats-Unis, l’Etat comme les entreprises ne disposent que d’une seule voie de contribution à l’indemnisation, celle du Trésor, ou logique trésorière.
a- Les Etats-Unis peuvent ponctuellement faire preuve de générosité et de démocratisme en décaissant des sommes qui conduisent l’indemnisation à devenir un capital.
b- Cela semble plus difficile pour la France.

Toutefois, il serait trop rapide de mettre cette différence sur le compte de l’égoïsme des uns et de la générosité des autres.
a- Dans l’affaire du Dépakine, les indemnisations porteraient sur dix mille femmes enceintes. Les sommes vont être très importantes.
b- Dans l’affaire des Taxis, les sommes sont comprises entre 5 et 8 milliards d’euros ; selon les modes de calculs.

La logique trésorière prend alors l’allure d’un pillage du Trésor public ou d’une mise en danger des finances de l’entreprise concernée.

C’est pourquoi le Canard Enchainé, à la suite de biens d’autres articles semblables, met en scène le « Puissant anesthésique » qu’est l’affaire de la Dépakine pour l’Etat aussi bien que pour Sanofi.

Si on veut que les organismes payeurs, fautifs ou solidaires, ne se défaussent pas par principe, il faut que l’indemnisation leur apparaisse comme un coût certes mais ni comme un fardeau ni comme un danger.

6)- Conclusion
La sortie de l’exclusivité de la conception trésorière de l’indemnisation entrainerait un changement technique et culturel des modes d’attribution de l’indemnisation, sa diversification en indemnisation « trésorière »  et indemnisation « capitalistique ».

Il faut pour cela que, hors des questions pénales et à l’écart des affaires en cours, l’Etat accepte d’expérimenter une conception de l’indemnisation qui ne mette pas en danger les organismes payeurs, publics ou privés, voire leur soit profitable.

Mon étrangeté à la vie publique me rend apte à relever le concours de toutes les diversités.

Le panel et la méthodologie d’expérimentation que je propose auront cette particularité de permettre aux auteurs du rapport d’étude remis au gouvernement qui s’en suivra de produire les procédures légales qui maitriseront l’attribution de centaines de milliers d’indemnisations, contractuelles ou judiciaires, et le déplacement de quelques millions à plusieurs milliards d’euros.

a- Cette refondation de l’indemnisation la rendrait plus pratique, plus juste et plus efficace ; mieux acceptée.

b- Les Entreprises et l’Etat seraient soulagés, la Justice serait plus libre dans sa réflexion. C’est aussi une façon d’établir la confiance.

c- Il se vérifie souvent que dès que les indemnisations sont assimilables à un capital, les ayants-droits n’ont pas intérêt à la logique trésorière. Ils seraient bénéficiaires d’une logique leur garantissant de conserver l’usage des revenus du capital.

Les affaires citées par la presse, Servier, Sanofi, les Taxis, rendent visible que l’indemnisation va devenir un enjeu de société majeur. Il vaudrait mieux s’y préparer.

En restant à votre disposition et dans l’attente de vous lire,

Je vous prie d’agréer, M.M. les Ministres, l’assurance de mes salutations distinguées,


Marc SALOMONE

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