samedi, décembre 14, 2013

Moitoiret, folie, irresponsabilité pénale, criminalité d'Etat, criminalité officielle

Moitoiret, folie, irresponsabilité pénale, criminalité d'Etat, criminalité officielle

madic50.blogspot.com




Paris, le lundi 25 novembre 2013

Le procès Moitoiret place chacun devant ses responsabilités. La condamnation de ce fou à 30 ans de prison vise à sanctuariser la criminalisation de la maladie mentale.

30% des personnes détenues sont déclarées handicapées mentales à l’entrée en prison.

Comme précédemment, et constamment, on va nous dire que les cadres français ne font que céder à l’opinion publique, à la demande des français.

Le silence des particuliers, qui semblait aller de soi dans l’ordinaire de la justice, est donc devenu une complicité.

Fort opportunément, les médias viennent de nous rappeler les lobotomies de confort familial, de puissance psychiatrique, que les familles Windsor et Kennedy ont fait pratiquer sur certains de leurs membres dans les années 30. Nous pensions être débarrassé de ces subprimes juridiques. Ils reviennent.

Le texte qui suit découle du programme que l'humanité a forgé au retour des Déportés : Plus jamais ça !

Je n'ai pas à discuter ici de la place des uns et des autres dans ce procès et sa conclusion. Ce tribunal a commis un crime. Il est du devoir de tout homme, et en tout cas de tout français, de le dénoncer.

Désormais, pour le traitement de la folie, de ses actes, la règle est la prison, l'hospitalisation est l'exception. Ce ne sont plus les médecins qui diagnostiquent une maladie, ce sont les magistrats qui concèdent des soins. Ce n'est plus l'hôpital qui prend en charge un malade. C'est la prison qui consent à partager une proie.

La presse nous apprend que le Tribunal de Lille a condamné à deux ans fermes, pour cause de « récidive » un fou qui s’énerve lorsqu’il ne prend pas ses pilules. Cf. Le canard enchaîné, le 07.12.11, P. 5. Commentaire du Procureur : « Si chaque fois qu’on le contrarie, ça se finit à coups de pied, il va passer des années derrière les barreaux ! ». Nous remarquons que le procureur ne dit pas : A l’asile, mais « derrière les barreaux ». C’est bien la criminalisation de la maladie mentale, l’élimination des soins comme souci judiciaire, qui est la politique judiciaire. Nous ne sommes pas face à un bricolage d’urgence. C’est une politique d’élimination sociale des fous. C’est un crime.

Après les massacres des années 30 et de la guerre, y compris dans les hôpitaux psychiatriques français (50.000 morts de la seule responsabilité des personnels français), nous pourrions nous attendre à autre chose qu’à cette redite de la criminalisation de la maladie mentale.

Au lieu de cela nous avons visiblement un jeu de cache-cache des cadres de l’Etat pour savoir lesquels rentabiliseront le mieux la maladie mentale pour leurs boutiques respectives. Le suivisme des magistrats, la complicité des psychiatres, en tant que corps, sont abjectes.

Cette évolution implique la décision de rompre avec la doctrine juridique du Code civil pour en emprunter une autre qui ne provient pas du régime nazi mais qui a trouvé en celui-ci le support de ses aspirations dominatrices.

La doctrine du droit découlant du Code civil et la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen repose sur le principe de la séparation intangible entre l'incarcération des personnes valides et l'hospitalisation des fous.

Cette séparation de la folie et du crime, de l'hôpital et de la prison a une valeur constitutionnelle au même titre que la séparation de la religion et de l'Etat. Elle procède du même mouvement idéologique d'Etat. Elle est de la même histoire et surtout de la même temporalité.

C'est la Révolution française qui sert de matrice à la sortie des fous des prisons pour les placer dans les asiles d'aliénés. Ce sont les médecins révolutionnaires, tel Philippe Pinel et Pussin, qui, en 1793, sous le couvert juridique de la Commune de Paris, sortent les fous des prisons et leur enlèvent les chaînes ; symboles du crime et de l'asservissement qui en résulte. Ces dispositions seront constamment reprises par le Directoire, le Consulat, l'Empire et les Rois bourgeois. C'est un socle médical et juridique qui s'est formé de 1789 à 1838.

Cette disposition a été suivie par tous les régimes de droit constitutionnel, y compris les dictatures les plus brutales. Bonaparte en fait l’institutionnalisation juridique à partir du Code Civil.

La Grande Terreur stalinienne de 1936 est l'un de ces moments d'une indescriptible horreur où l'arbitraire semble l'emporter sur toute considération légale. Il était cependant possible d'échapper à la répression policière en obtenant un statut de malade mental. Les personnes considérées comme folles étaient hospitalisées et non incarcérées.

Cela ne nous dit ni ce qu'a été cette terreur ni ce que vivaient à l'époque les fous dans tous les systèmes psychiatriques partout dans le monde.

Par contre, cela nous dit que l'effacement de la ligne de démarcation entre le psychiatrique et le carcéral, la criminalisation de la folie, la psychiatrisation de la faute pénale, la carcéralisation de l'hospitalisation, ne découlent pas d’accommodements, de dérèglements, d'usages criminels, du système de droit.

Cette confusion résulte de la substitution délibérée d'un système de droit à un autre. Il ne faut pas de l'inconscience, de l'irresponsabilité, de la vindicte. Il faut une décision.

Il faut décider de passer d'un système de droit qui repose sur des principes constitutionnels, qui peuvent par ailleurs être violés, à un système qui repose sur des doctrines et des règles étrangères à ces principes.

C'est la substitution d'une politique administrative et juridique fondée sur la Raison, entachée ou bafouée par l'arbitraire et le crime, à une autre politique administrative et juridique fondée sur un irrationnel qui peut être rationalisé et compassionnel.

Tous les systèmes juridiques connaissent ces intrusions constantes de pratiques juridiques parallèles. Elles s'insinuent dans le droit rationnel, se présentent comme des séquences isolées, des dépendances, des conséquences, de ce droit du Code Civil.

Ces pratiques parallèles sont en fait les apparitions, les soubresauts, les émanations, des doctrines juridiques ante-constitutionnelles. Les plus célèbres sont les politiques administratives et juridiques
produites par les idéologies religieuses. Là, nous avons affaire à un droit parallèle laïques formé par les personnels d'Etat.

Les pratiques de viol, viol marital, viol d'inconscience, viol administratif, etc, sont fréquemment des séquences de droits devenus privés et illégaux, qui ne peuvent plus se proclamer publiquement et qui cherchent constamment à se créer un espace dans le droit public.

Ces doctrines juridiques et médicales particulières qui reprennent la criminalisation féodale des fous apparaissent à la fin du 19ème siècle. Elles trouveront leur régime politique d'épanouissement dans le nazisme. Ses partisans ont donc partagé la défaite de celui-ci en 1945.

Le régime hitlérien est le seul régime d'un pays développé qui ait institutionnalisé la confusion entre la maladie mentale et la criminalité publique.

Seule la défaite du nazisme de 1945 explique l'apparente nouveauté de la criminalisation des fous. La résurgence de cette doctrine née dans les réseaux psychiatriques et politiques antidémocratiques du 19ème siècle a dû faire profil bas durant les décennies d'après guerre.

Le fait qu'elle ressurgissent aujourd'hui indique qu'un nouvel affrontement de la démocratie et de ses ennemis est en cours.

Les nazis n'ont pas contraints les castes psychiatriques à accepter les politiques d'éradication de la folie et d'élimination des fous. C'est le régime nazi qui a répondu aux attentes de courants psychiatriques officiels en accédants aux demandes médicales de décloisonnement des pratiques de violences des internements médicaux et des pratiques de violences des incarcérations administratives.

A partir du moment où on pense que le cerveau du malade appartient à la médecine, il devient sensé de penser que le corps du malade appartient à l'administration. La destruction partielle ou totale du cerveau du fou peut fort bien s'accompagner ou s’accommoder de la destruction totale ou partielle de son corps.

L'éradication de la folie comme seule visée des soins peut fort bien s'accomplir dans une élimination génocidaire des fous.

Des réseaux de psychiatres sont demandeurs de la fusion des pratiques de détention et d'hospitalisation. Cela leur permet de disposer des fous sans justifications médicales des méthodes d'enfermement.

Les acquis démocratiques des sociétés civiles occidentales se répercutent dans les rapports aux fous. Toutes les réformes de caractères démocratiques de la physiatrie après-guerre en découlent. Tels, la dite Anti-psychiatrie, la disqualification de l'enfermement, son contrôle, même évanescent, par le droit.
La criminalisation de la folie permet de faire abstraction de ces évolutions pour assurer aux psychiatres le confort de la dictature étatique sur les fous. En plaçant les malades mentaux en prison, la psychiatrie s'épargne tout débat démocratique sur les soins des malades et le travail des soignants.

L'opposition de tout le personnel psychiatrique, médecins, direction, syndicats, infirmiers, au contrôle judiciaire de l'internement psychiatrique, indique la perméabilité de ce milieu aux idées fondées sur le rejet de la démocratie et du droit civil au profit du droit de caste étatique. Cette disposition d'esprit ne conduit pas nécessairement à la criminalisation de la folie mais elle en prépare le terrain. Elle permet déjà la psychiatrisation des conflictualités sociales ; c'est toujours ça de pris, mais ça ne suffit plus.

Le renouveau de la criminalisation de la folie s'inscrit dans la redécouverte de cette filière de pensée étatique de la fin du 19ème siècle. On veut revenir à ce mouvement de la fin du 19ème siècle si malencontreusement contrarié par le défaite de son protecteur en 1945.

Pour mettre en scène cette reconduction de la criminalisation de la folie, on a mis en place un dispositif qui perverti à la fois le droit et la psychiatrie.

Il substitue au constat de la folie un couple apparemment plus humain, plus scientifique, plus respectueux de la liberté personnelle du fou, la dichotomie de l’abolition ou de l’altération du discernement.

Par cette pirouette verbale, les autorités mesurent le fou à l’aune de la crise de démence. Si celle-ci n’est pas là, ce qui est généralement le cas, le fou peut alors être déclaré conscient de ses actes. Il reste alors à examiner et à déterminer dans quel mesure le fou est accessible à la condamnation et donc à la peine de prison. Et le tour est joué.

C'est la voie ouverte à l'arbitraire et aux calculs politiques d'ordre et de castes.

Le Premier Consul a établit la démence au moment des faits comme critère de l'abolition des capacités de discernement et donc de la responsabilité pénale. Elle conduit au remplacement de l’action judiciaire par l’action médicale. En cela la justice se distingue de la boucherie.

Mais cela ne vaut bien sur que pour les personnes valides, bien portantes. Celles-ci sont les seules qui à un instant T peuvent «perdre la tête ». Les fous eux sont en perpétuel état de démence. Leur « tête » est déjà « ailleurs ». L’indisposition mentale, est leur état normal. Ils sont malades et non coupables.

Le Premier consul n’a pas mis en place cet argument de la démence au moment des faits pour piéger les malades mentaux. Il l’a fait pour empêcher qu’on juge des personnes saines d’esprit qui auront perdu leur esprit l’espace d’un instant. Il serait injuste d’en faire un persécuteur de malades mentaux, encore moins le précurseur des dérives criminelles à leur encontre reprises de nos jours. Il était un dictateur ; pas un criminel de droit commun, un sadique.

Par cette pirouette, cette entourloupe, cet escamotage de la folie, on ne change pas de loi, on change de droit.

Ainsi, concernant le procès Moitoiret. M. Moitoiret est un malade mental. Il est visiblement fou.

La querelle du discernement ne concerne pas ce procès. Celui-ci porte sur la reconnaissance judiciaire de la maladie mentale. Celle-ci est niée. Le malade mental est vu comme un danger, un tricheur, un lieu masqué du crime. La fonction de la justice est alors de dévoiler le visage criminel du fou et d'éradiquer la folie en anéantissant socialement le fou.

La presse rapporte qu’un autre enfant fut déjà enlevé par M. Moitoiret, au motif qu’il était « l’élu ». Elle nous dit : « Les parents récupèrent le gamin et l’affaire s’arrête là ». cf. Le figaro, 07.12.11, P. 11. Donc, les autorités savaient.

Une fois de plus, ce qu’on présentait comme un coup de tonnerre imprévisible a été précédé de signes annonciateurs. Les pouvoirs publics n’ont rien fait. L’intervention en temps utile conduit aux soins. L’intervention consécutive au sang versé permet de détruire.

Il est aujourd'hui de doctrine administrative constante que les représentants des Pouvoirs publics n'interviennent qu'en réponse à la question : Est-ce qu'il y a du sang ?
Si oui, nous intervenons.
Si non, nous n'intervenons pas.

Ce critère du sang comme règle légale d'intervention conditionne la transformation des procès en séances judiciaires sacrificielles, purificatrices et expiatoires.

Au même moment, la presse annonce que les français vont payer 4,5 milliards d'euros, 15 milliards au total, à des particuliers américains, pour liquider le montage financier dit du Crédit lyonnais par lequel les cadres financiers publics de l'époque ont saboté la banque publique française afin d'aboutir à sa privatisation. Pas un seul responsable n'a été condamné. Pas un seul.

Nous devrions pouvoir compter sur la magistrature pour ouvrir la voie à une reconnaissance de l’originalité judiciaire de la maladie mentale, organiser une place juridique nouvelle à la prise en charge sociale de la maladie. Au lieu de cela nous régressons dans la manipulation étatique sordides de la folie.

Soit, cet homme est sain. Il peut être jugé. Soit, il est malade, et sa place est en hôpital psychiatrique. Nulle part ailleurs.

Cette criminalisation des fous aura pour continuation la carcéralisation de la psychiatrie, la persécution sociale des fous, sans fin ni limites.

Une justice qui devient à chaque procès plus régressive dans ses condamnations, n’est de toute façon d’aucune aide pour les plus faibles d’entre nous.

Comment prétendre meurtrir les fous et protéger les enfants ? Ceux qui criminalisent la folie ou rendent accessible la prison aux fous sont les mêmes qui cherchent à détruire l'Ordonnance de 1945.



Conclusion

Depuis 1789, la séparation des fous et de la prison, de la folie et du crime, est un principe qui a valeur constitutionnel.

L’Incarcération des malades mentaux, des fous, n'est pas une dérive criminelle du droit civil qui organise seul la légalité. C'est l'activité régulière d'un droit criminel parallèle, l'introduction d'une subprime juridique, une disposition toxique, dans la procédure judiciaire.

Les français se trouvent confrontés à une dualité des droits, comme on parle parfois de dualité des pouvoirs. Nous devons en parler, établir l'opposition du droit républicain qui forme la légalité et du droit parallèle illégal. Appelons les comme on voudra.

La doctrine de l'accessibilité à la peine, pour distinguer parmi les fous ceux qui peuvent être enfermés de ceux qui peuvent ne pas l'être, a la même portée scientifique, juridique, légale, que les théories élaborées par les mêmes psychiatres et juristes concernant les fous qui peuvent vivre et ceux qui ne le peuvent pas, ou encore ceux qui peuvent conserver leur cerveau et ceux qui doivent en être amputés en partie ou en totalité.
La condamnation pénale de M. Moitoiret en lieu et place des soins auxquels il peut prétendre de droit est à la fois un travail sur les filiations du droit et sur les filiations des questionnement publics de la folie.

Les procès qui examinent la possibilité d'incarcérer les fous et non de les interner en hôpital psychiatrique civil ne relèvent pas de la discussion judiciaire stricto sensu mais de la discussion citoyenne sur les conditions d'exercice du droit.

Les français doivent ils accepter que se glissent dans les procédures de la justice publique des séquences de droits qui ne relèvent pas de la filiation du Code civil et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ? C'est le défi auquel les français furent confrontés quand l'obligation fut faite à certains d'entre eux de porter un signe distinctif, l'étoile jaune.

Depuis 1945, les crimes relevant d'administrations politiques qui se substituent au Code civil, tels que des administrations religieuses, raciales, politiques, scientifiques, commerciales etc. relèvent de la jurisprudence établie par le Tribunal de Nuremberg relative aux crimes contre l'humanité.

Il en va ainsi de la criminalisation de la maladie mentale, du déferrement en tribunal de personnes reconnues malades mentales, de leur condamnation pénale, de leur incarcération.

M. Moitoiret doit lui-même être reconnu fou et être placé en Asile d'aliéné conformément à la demande des psychiatres Pinel et Pussin ainsi qu'aux décisions des représentants du Peuple qui s'en suivirent de 1789 à 1838.
La filiation de MM. Pinel et Pussin pour la médecine et de la Commune de Paris de 1793 pour le droit est la seule filiation constitutionnelle en matière de traitement judiciaire des fous. Le jugement Moitoiret n'en relève pas. Cela ouvre un débat citoyen.


Marc SALOMONE

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