jeudi, avril 10, 2014

sarkozy, guillaume, Les magistrats intuitu personæ


 Les magistrats intuitu personæ

 

 

 

Paris, le dimanche 16 mars 2014

 

 

 

 

Cour de Justice de la République

 

COMMISSION DES REQUETES

 

21, rue de Constantine

75007 Paris

Tel. : 01.44.11.31.00

Fax : 01.44.11.31.39


 

 

 

 

N. Réf. : Requête N° 08/2014.

 

 

Objet : Les magistrats intuitu personæ

 

 

 

 

Monsieur le Président,

 

Les magistrats intuitu personæ  

 

La remarque de Mme Laurence Blisson, juge d’application des peines et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature (gauche) concernant l'affaire dite Azibert concerne ma réflexion par son caractère morale.

 

Lorsque au cours de l'émission C dans l'air, un Président de Chambre dit que 75% des français pensent que les magistrats rendent une mauvaise justice, il ne dit pas que les français pensent que les magistrats ont un mauvais statut, mais qu'ils pensent qu'ils ont une mauvaise morale.

 

MM Davet et Lhomme, du journal Le Monde, résument ainsi l'affaire Azibert qu'ils portent eux mêmes à la connaissance du public :

 

« L'affaire est sans précédent. Un ex-président de la République et deux de ses anciens ministres de l'intérieur placés sur écoutes téléphoniques. Gilbert Azibert, l'un des plus hauts magistrats français, suspecté de renseigner discrètement Nicolas Sarkozy sur l'affaire Bettencourt, en échange d'une sinécure à Monaco. La Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, accusée d'être sous influence, ses principaux membres susceptibles d'être interrogés par les policiers. »

 

Concernant cette affaire, Mme Blisson a ce commentaire :

a- « Si c’était avéré, ce serait extrêmement grave. »

b- « C’est alarmant: tant que les procureurs seront nommés par l’exécutif, il y aura ce risque de proximité entre magistrats et gouvernement. »

 

J'ai une certaine pratique de la magistrature. En trois affaires, viol, vol et viol, torture, spoliation de malades mentaux, j'ai rencontré 11 magistrats. Je m'en tiens à ceux auxquels j'ai parlé de vive voix.

 

1- Grasse 1992 :

- 4 juges du siège

- 2 procureurs

La Direction des affaires criminelles et des grâces est intervenue directement.

2- Paris, 2000-2003

a- La poste :

1 juge d’instruction

b- Les handicapés

2 procureurs de la République

1 juge d’instruction

1 Présidente de TC

Je laisse de coté les avocats et la police judiciaire.

 

Tout cela a fait l'objet de comptes rendus très détaillés auprès des autorités judiciaires. Je n'y reviens pas ici.

 

Cette expérience me conduit à sursauter à la lecture de la remarque de Mme Blisson.

 

Elle a l'air de mettre sur le compte du statut l'essentiel de la faute présumée commise par M. Azibert et d'autres magistrats, car il n'est pas le seul à être visé.

 

C'est pas moi, c'est mon statut ! C'est ce que les français ne veulent plus entendre.

 

Il est trop facile de dire que si les faits étaient certifiés, les écoutes en font déjà foi, M. Azibert a agit  par « proximité » avec les gens de Pouvoir, comme dit Mme Blisson.

 

C'est la mise en « proximité » organisée par le statut qui créerait ces sortes de dérapages, inexcusables certes, mais somme toute bien compréhensibles.

 

Ces fautes relèveraient en fait de la nécessité organisée par le statut qui créerait une « proximité » à laquelle il serait statistiquement inévitable que certains magistrats succombent. La faute échappant presque à la volonté de son auteur est elle encore passible de justice ?

 

En l'espèce, il n'en est rien. Ces gens n'ont pas abusés de leurs pouvoirs en obéissant au Chef de l'Etat, à la Garde des Sceaux, à un supérieur hiérarchique.

 

Pour le cas que la presse nous soumet, le magistrat n'est dans aucune contrainte professionnelle hiérarchique.

 

Il agit pour obtenir des passe-droits en aidant un justiciable qui n'est plus rien dans l'Etat, sinon un retraite. Il l'aide qui plus est à combattre l'action judiciaire.

 

Des milliers de fonctionnaires ou d'employés sont en relations de « proximités » avec plein de gens et de choses ; ils ne deviennent pas des voyous pour autant.

 

La profession d'infirmières hospitalières est en « proximité » statutaire avec l'armoire à pharmacie contenant des drogues et des poisons. Les sollicitations sont sûrement nombreuses. Personne ne parle de trafic.

 

Contrairement au propos de Mme Blisson nous sommes devant une affaire qui ne relève ni des notions de statut ni de celles de proximité, mais de la morale, personnelle et professionnelle.

 

La question du statut vient simplement au moment où on s'interroge sur les capacités d'une profession à corriger ces dispositions personnelles. Mais elle ne concerne pas l'initiative personnelle elle-même.

 

Dire d'un juge de la Cour de Cassation qu'étant nommé par le truchement du Chef de l'Etat il est incapable par lui-même de faire la distinction entre ses connivences politiques et la corruption est une injure pour tous ces magistrats.

 

Mme Blisson passe donc à coté de la question parcequ'elle écarte la morale au profit du statut. Elle subordonne sans raison la liberté humaine à la mécanique institutionnelle.

 

Ce faisant, elle conduit la mécanique institutionnelle à produire une morale de remplacement, la morale de la « proximité ». Nous en arrivons à l'idée que l'institution judiciaire produit, en son sommet, une morale de corruption par « proximité ». Elle propose d'ailleurs de modifier, bricoler, la mécanique pour changer la morale qu'elle induit.

 

Par politesse, les magistratures du monde entier doivent se dire perplexes.

 

Ce qui concerne directement notre modeste demande d'ouverture d'une enquête préliminaire, c'est justement la moralité de ce débat.

 

Ce qui conduit à la négligence de l'examen ou non du viol d'une députée par le Chef de l'Etat, du Pouvoir législatif par le pouvoir exécutif, tous deux étant dans l'exercice de leurs fonctions, n'est pas le statut des magistrats, les liens politiques, des nécessités d'ordre public, des considération immunitaires.

 

C'est la moralité des magistrats qui est seule en jeu dans l'appréciation des faits.

 

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mes salutations distinguées,

 

 

Marc SALOMONE

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